DE SYNTHE A GRANDE-SYNTHE

Publié le par Grande-Synthe tout une Histoire

article de Jean pierre Hernandez (au coeur de Grande-Synthe)

 

Au PREMIER MILLENAIRE

 Au début de l’ère chrétienne, les MORINS qui vivaient dans les palafittes ou cites lacustres, peuplaient notre région recouverte de marécages.

Au IVème siècle, une inondation marine envahit toute la contrée ou ne subsistent plus que quelques terres au milieu d'un vaste golfe dans lequel se jettent l’AA et I'YSER. Les arbres sont renverses, et au fil du temps, une épaisse couche de limon va les recouvrir.

C'est sous l'impulsion des moines de l'abbaye de St WINOC, aides par les rois merovingiens que se métamorphose le paysage dans lequel apparaissent villages et hameaux.

Dans les siècles qui suivent, les travaux d'assèchement sont peu importants, les propriétaires étant trop occupes a se protéger contre les incursions normandes et danoises.

 

DE L'AN 1000 A 1900

Au XIème siècle, Grande-Synthe est recouvert d'innombrables nappes d'eau communiquant avec la mer et subissant l'influence des marées : les shoores.

En 1067, Beaudouin V de Lille, comte de Flandres, accorde, par une charte, toutes les terres gagnées sur la mer a l'abbaye de St WINOC afin de stimuler les travaux d'assèchement. En 1097, la femme de Robert II de Flandres, donne a l'Eglise de WATTEN toutes les terres basses sujettes a l'inondation (VLUODES HERNESSES) situées a SINTES.

Vers 1038 existait déjà un St pèlerinage établi a un endroit nomme sanctum ou sinthonis. Ceci tendrait donc à prouver qu'il existait déjà un pèlerinage a un endroit ou, deux ou trois siècles plus tard, un seigneur des Flandres rentrant des croisades déposait un morceau de la vraie croix qui fut l’objet de vénération et qui est connue sous le nom de KRUYSBELLAERT (croix a c1ochettes).

C'est vers cette époque que MARDYCK et ses environs se peuplent et deviennent des hameaux dans lesquels on érige des oratoires qui se convertissent peu à peu en églises.

Au Moyen-âge, la paroisse de SINTES dépend de l'autorité ecclésiastique de St WINOC et forme une paroisse bien organisée déjà a cette époque : son bureau de bienfaisance (table des pauvres).

GRANDE-SYNTHE garde alors la partie la plus importante du territoire qui reste typiquement agricole ou l'on connait deux catégories d'habitants :

 ·        les cultivateurs (laeten)

 ·        et les gens de service, ou journaliers (landmannen).

Afin de donner plus d'efficacité a la lutte contre les eaux, des groupements de volontaires, associes dénommes Wateringues s'établissent, ils sont diriges par un dycker graf (contre les eaux). C'est vers 1169, qu'apparait la première trace des textes réglementaires régissant ces associations.

 Le mot Wateringue est l’addition du mot Water (eau) et du mot Ring (cercle). II s'agit d'un territoire qui serait encore un marécage si l'homme ne s'était pas battu pendant plusieurs siècles pour l'assainir.

Ici, l'homme s'est appuyé sur l'existence d'une barrière naturelle (le cordon de dune) qui s'est renforce naturellement par le jeu de facteurs naturels (les apports de sédiments marins et d'alluvions fluviales). Le principe d'origine du desséchement est simple. Il fallait écouler de l'eau à marée basse et empêcher la mer de venir recouvrir les terres a marée haute. Aujourd'hui, les écoulements sont gravitaires à marée basse. A marée haute, les stations de pompage prolongent, quand cela s'impose, l'écoulement gravitaire.

En 1197, Beaudouin IX confirme les donations faites à l'abbaye de St WINOC dans lesquelles figure la ferme de SINTE contenant 850 mesures de terre.

La validité des donations effectuées par les Comtes de Flandres étant contestée par des centaines de seigneurs, amène Philippe d'Alsace à confirmer a nouveau les privilèges octroyés par ses prédécesseurs, ceci afin de stimuler les entreprises d'assèchement en attribuant des parts de marais desséchés aux propriétaires. Ces propriétés étant transmissibles aux descendants, ceci concerne les terres tenues en fief par Tenald de Spiere (Spycker) et la terre de Wulnodes à SINTE.

En 1270, le territoire est divisé en watering. Le wateringue situe a l'ouest de Havendyck (canal de Bergues) et au Nord du Vliet (canal de Bourbourg) prend le nom de NOORDOVER.

Vers 1280, des tempêtes provoquent des inondations. Afin d'y remédier, Jean de Namur, fils du comte Guy de Dampierre, fait construire, vers 1300, une digue partant de la pointe du Clipon et se dirigeant vers l'est. Cette digue suit sensiblement la route de Mardyck et de Fort Mardyck. Elle atteint St POL au sud du cimetière actuel et puis continue vers Rosendael. Le chemin qui borde cette digue porte toujours le nom de rue du Comte Jean.

On creuse des canaux dans le cours des anciens bras de I'AA qui est détournée vers GRAVELINES. Ils servent d'exutoires aux nouveaux watergangs. La vase extraite, rejetée sur les berges forme de nouvelles digues qui servent de chemins. Cette entreprise ou prime l'intérêt général n'a pu être réalisée qu'avec la participation des habitants, a leur tour intéressés par l'octroi de terrains asséchés. Le fragile et complexe réseau de watergangs régit toujours la vitale régulation des eaux de plaine. Cette digue détruite en 1383 par les Anglais est relevée en 1419 par Jean Sans Peur.

Vers 1379, les Flamands se soulèvent. Des difficultés de politique interne se cumulant a des difficultés extérieures (Schisme d'Occident) font que toutes les conditions sont réunies pour que les Anglais débarquent a CALAIS, saccagent MARDYCK, prennent et pillent DUNKERQUE ainsi que la campagne environnante. Les Flamands lèvent alors une armée et livrent sur le territoire actuel de GRANDE-SYNTHE et de PETITE-SYNTHE un terrible combat ou ils sont défaits, laissant 9500 morts sur le champ de bataille.

Vers 1436, nous rapporte FAULCONNIER les Anglais font une nouvelle descente en FLANDRES, ils se rendent prés de DUNKERQUE et ravagent les environs. Souvenons-nous qu'a cette époque la seule voie de communication côtière entre DUNKERQUE et CALAIS est l'actuelle route de MARDYCK.

Les Anglais emportent 1200 chariots de butin. Le mois d'août de cette même année voit arriver a nouveau 2500 hommes qui, commandés par le Duc de Glouster, mettent a sac tout ce qui se trouve sur leur passage.

En 1489, l'Eglise de GRANDE-SYNTHE Groot minister compte 45 feux, soit 211 habitants.

A cette époque, la région côtière présente un caractère essentiellement rural. Les laeten et vry laeten, serfs émancipés, sont réduits au travail de la terre. Ils pratiquent l'élevage, notamment celui des moutons.

Quant aux hommes qui y vivent, tous les auteurs les reconnaissent comme un peuple courageux et rude. On les nomme aussi "barbari CIRCA littora" barbares du littoral.

Un chroniqueur du Moyen-âge décrit ces hommes comme "forts et rudes" comme au temps de l'ère paienne.

Dans cette société où règne une puissante discipline, des liens extrêmement fermes unissent les familles. Autre trait du caractère Flamand : l'association. Ces communautés d'intérêt s'exercent dans tous les domaines de la vie. L'identité flamande et la défense des libertés sont a l’origine de nombreux conflits.

Ainsi, d'après Mr DEBAECKER GRANDE-SYNTHE et PETITE-SYNTHE connus au XVème siècle ne formaient qu'une commune qui devait son nom a la sainte relique qui fut enterrée a proximité d'un puits dont l'eau devint limpide, ceci afin de la soustraire aux profanations. La tradition dit que ce morceau de la croix fut rapporte de croisade par un seigneur qui la déposa dans la Chapelle du KRUYS BELLAERT (croix a grelots).

A VERBECKE rapporte qu'en 1469 PETITE-SYNTHE quoi que hameau dépendant de GRANDE-SYNTHE a acquis une certaine importance qui laisse présager de sa prochaine indépendance.

En 1558, GRANDE-SYNTHE a souffert une nouvelle fois du passage des troupes françaises qui assiègent DUNKERQUE.

C'est vers 1559, qu'apparait alors le nom de CLEEN SYNTEEN (cleen : petit) par opposition a GROOT SYNTEEN (groot : grand). La limite des deux paroisses est le COXFORT STRAET (rue du Fort des Vaches, actuelle rue de la Gare) qui longe alors, a l'est, le CANAL de MELLO.

A cette époque, GRANDE-SYNTHE dépend du Décanat de BOURBOURG pour le spirituel, et de la Châtellerie de BERGUES pour le temporel. L'Administration du village s'exerce à la prévôté du NORD (Grand PREDEMBOURG). 277 mesures et 127 verges (mesure locale: 44 ha 8ca) qui appartient a l'Evêque de St OMER. On y accède par la galge STRAET (route du Gibet).

Le petit PREDEMBOURG, quant a lui est une ancienne seigneurie qui contient 197 mesures de terre dont Nicolas PORQUER, Bourgmestre de DUNKERQUE est propriétaire. Cette propriété est vendue en 1818 a Jean HAMERELL, maire de GRANDE-SYNTHE.

1629, 1645, 1652, 1657, une nouvelle fois, la région est le théâtre de durs combats, notamment, au Fort MARDYCK, place forte avancée défendant DUNKERQUE. Ce fort subit deux assauts, et la population voisine en pâtit.

En 1662, GRANDE-SYNTHE est extrait de la Châtellerie de BERGUES pour être rattachée au territoire de DUNKERQUE. GRANDE-SYNTHE compte alors 28 mesures de terre.

En 1677, on dénombre 82 hommes .

• En 1678 s'achève le creusement du canal de BOURBOURG.

• En 1688, 83 chefs de familles, 199 personnes de plus de 10 ans, 65 personnes de moins de 10 ans sont recensées.

 

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En 1757-1758, MARCANR SEYMENS reconstruit l'église de GRANDE-SYNTHE en style roman. Le pavage de l'ancienne route nationale 40 devenue Avenue de l'ancien village est commence en 1787.

 

 

 

 

La Révolution de 1789 remplace les coutumes et traditions par les lois. On organise à GRANDE-SYNTHE une justice de paix qui est rendue par le citoyen FOUTREIN qui administre 100 feux environ.

La superficie de la commune est de 2945 mesures dont 820 occupes, 112,5 ha appartiennent au Clergé :

·        14 exploitations de 0 à 1 hectare

·        34 exploitations de 1 à 15 hectares

·        12 exploitations de 5 à 10 hectares

·        6 exploitations de 10 à 40 hectares

·        16 exploitations de 40 a 100 hectares.

Dans l'inventaire des biens mobiliers appartenant a l'Eglise, mention est faite de l'existence d'un reliquaire en argent. Renfermant une parcelle de la Sainte CROIX qui a rendu célèbre le pèlerinage de KRUYS BELLAERT a PETITE-SYNTHE.

Comme de toute évidence il n'y a jamais eu qu'une seule relique, comment se fait-il qu’à la Révolution cette relique se soit trouvée a GRANDE-SYNTHE ?

Quoiqu'il en soit, un abri de liberté est planté et l'Eglise est fermée le 8 Vendemiaire de l'an III (29 septembre 1794).

En 1790, la FRANCE est divisée administrativement. GRANDE-SYNTHE fait alors partie du canton de DUNKERQUE Ouest.

Le problème agraire préoccupe les habitants.

En 1790, le Conseil Communal demande qu'on empêche la disparition des petites fermes et affirme sa volonté d'être désuni des autres municipalités "PETITE-SYNTHE et MARDYCK".

Ces revendications sont explicitées dans le cahier de doléances, plaintes et remontrances que représente Pierre WINOC SPYCKET, Hoffman (président) de la paroisse en mai 1789 aux Magistrats de DUNKERQUE.

Dans ce document, les habitants tels Ed SPYCKELLE, JB CLEMENT, JF FOUTREIN, JP PELEMAY, JJ FOURNIER, TB OGEZ, PS FOURNIER, JF EVERAERT, FM PERDU, JF CODRON, G BONVOISIN, P JOETS, P LOWYCK, P ROPITAL, N DESAGUER, P BLONDE ... se plaignent de l'augmentation des impôts alors que des commissaires et leur suite nombreuse organisent des fêtes somptueuses. Ils s'insurgent contre la dime que perçoit l'abbaye de St WINOC.

Le Tribunal rural est supprime en 1801 et se voit remplace par la justice de paix du canton de DUNKERQUE Ouest.

L'agriculture demeure toujours en avance sur celle des régions voisines.

En 1844, un voyageur écrit "les admirables procédés de l'agriculture flamande ne sont toujours pas passés sur la rive gauche de l'AA".

A partir de 1830, aplanissement des dunes et mise en culture des nouvelles terres : les salines sur lesquelles est actuellement construit SOLLAC, anciennement USINOR.

C'est en 1830, que Fort MARDYCK, annexe en 1800 à MARDYCK, se rattache alors à GRANDE-SYNTHE pour redevenir autonome en 1867. C'est également en 1830 qu'on songe a remettre en cause les dunes qui sont aplanies par Messieurs HUBERT et MONIER. L'accès a ces nouvelles terres cultivables est facilite vers 1868 par l'empierrement de la rue du Comte JEAN.

Ces travaux facilitent l'installation d'ouvriers du port en leur procurant une maison avec jardin ou en morcelant les terres qu'ils leur louent par bail emphytéotique (bail a très long terme) avec obligation de bâtir.

Par le travail acharne des hommes, le sol sableux remanié, enrichi d'apports minéraux et organiques, devient productif. La pomme de terre y trouve un sol favorable (elle s'est consommée bien avant son introduction par PARMENTIER).

Ce sable noir, soigneusement irrigue, se prête a la culture maraichère.

Une spécialisation est à l’ origine d'une nouvelle corporation, les jardiniers. Une épidémie de cholera sévit en 1870 et touche grande nombre de synthois. La population de GRANDE-SYNTHE oscille autour de 3000 habitants à cette époque.

En son temps, on compte 4 sécheries de chicorée (Alfred GRUSON, Joseph RINGOT, Charles DESAEGHER, Albert STEVENOOT). On trouve également une distillerie d'alcool.

386 habitations dont 82 a la cite des deux SYNTHES. Ainsi, l'agriculture ne s'est modernisée que très lentement. La vie est régie par le rythme des saisons que ponctue

Toujours l'heure solaire. Dans les campagnes, en matière d'énergie, c'est le cheval flamand qui rend les meilleurs services. L'électricité n'arrive que vers 1925.

La culture de la betterave a sucre est a l'origine de nouvelles industries agro-alimentaires (sucreries, distilleries). L'usage de la chicorée amène la création de sécheries. La, les racines sont lavées et coupées en cossettes. Remuées manuellement, elles sont torréfiées sur des plateaux chauffes au coke: ce travail très éprouvant est confie a des ouvriers belges. L'engrais chimique n'est pas encore employé et les champs sont fertilises avec le guano du PEROU livre au port par voilier. On n'utilise pas de désherbant : chardons, avrons et autres mauvaises herbes sont enlevées a la main ou a la houlette.

Lorsque la moisson arrive, elle mobilise hommes, femmes et enfants. La récolte coupée, les bottes sont dressées en déjeaux afin que le grain sèche ; puis, elles sont montées en meule. Tractée par une locomotive a vapeur, la batteuse passe de ferme en ferme. "Dans les fermes isolées, pour s'approvisionner, on attendait le passage des marchands ambulants qui passaient régulièrement. Tous nous donnaient des nouvelles des alentours".

"Les courses s'effectuaient au village souvent le dimanche. A la sortie de la messe, on se rencontrait a l'estaminet. Certains jouaient aux cartes, d'autres aux fléchettes. On ne s'attardait pas car nous étions tributaires des soins a donner a l'élevage".

"Nous, aux SALINES, on se rendait "au fort", le village étant trop loin avant la construction de la rue du champ d'aviation, il n'y avait pas de route directe. Le dimanche, on allait parfois a la plage ou a la pêche au carreau, dans les watergangs, c'est la aussi qu'on apprenait à nager".

 

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